Festival Chéries-Chéris | Critique : Feast

En 2007, dans la ville de Groningen, plusieurs hommes gays qui participaient à des orgies chez des particuliers se sont fait droguer et inoculer du sang contaminé à leur insu.

Feast
Pays-Bas, 2021
De Tim Leyendekker

Durée : 1h24

Sortie : –

Note :

QUE SAIS-JE ?

Unique film néerlandais en compétition cette année à Rotterdam, Feast est le premier long métrage du vidéaste plasticien Tim Leyendekker (lire notre entretien), qui par le passé a régulièrement présenté au festival des œuvres hors-format. On aurait du mal à trouver un qualificatif plus adéquat pour décrire Feast tant celui-ci ne rentre dans aucune case évidente. Le film s’inspire d’un fait divers réel concernant des cas de contamination du VIH mais le terme reconstitution ne rend pas justice à la déboussolante entreprise de Leyendekker, qui aborde les faits sous des angles inattendus, voire carrément improbables.

Feast est divisé en différents segments étanches, tous très différents les uns des autres. Le ton, les couleurs et même les conventions narratives y varient brusquement (ce qui rappelle au passage un autre film hollandais, le ludique Quality Time, présenté à Rotterdam en 2017). Certaines scènes appartiennent sans trop d’ambiguïté au documentaire (interviews de victimes, d’un des auteurs…), d’autres sont des fictions flagrantes, et pourtant chacune possède un détail qui sème le doute sur leur vraie nature. Ce n’est pas un hasard si l’impressionnante séquence placée en ouverture se compose d’une étonnante énumérations d’objets. Aride en apparence, cette accumulation objective et sans affect suffit en effet à raconter, à évoquer, et au final à soulever bien plus de nuances que n’importe quel approche de reportage télé.

Passé cette introduction minimaliste, le film opère un virage abrupt vers la philosophie, fait mine de s’éclaircir un moment, pour mieux semer à nouveau le trouble. Imprévisible dans la forme comme dans le ton, sans peur du malaise ni des touches d’humour, allant de Platon aux tulipes en passant par des CD de George Michael ou des références à X-Files, Feast compile les approches et les points de vue. Évoluant du très gros plan à de la quasi abstraction, la réflexion de Leyendekker sur le désir, le libre arbitre et le consentement devient de plus en plus ambitieuse et finalement, poignante. Plus qu’un simple gimmick narratif, cette étrange mosaïque est la forme idéale pour montrer que face à des sujets si complexes, ce sont les réponses trop simples qui seraient scandaleuses.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article