Critique : Doubles vies

Alain et Léonard, écrivain et éditeur, dépassés par les nouvelles pratiques du monde de l’édition, sourds aux désirs de leurs épouses, peinent à retrouver leur place au sein de cette société dont ils ne maîtrisent plus les codes.

Doubles vies
France, 2018
De Olivier Assayas

Durée : 1h48

Sortie : 16/01/2019

Note : 

L’HEURE DES PROS

La filmographie d’Olivier Assayas a effectué quelques virages aussi étonnants que séduisants ces dernières années : on pense au mystérieux drame Sils Maria ou au film de fantôme Personal Shopper. Malheureusement, à nos yeux, Doubles vies est plutôt à ranger du côté de son scénario co-écrit pour le dernier Polanski, l’involontairement comique D’après une histoire vraie (là aussi une histoire d’édition). Doubles vies, lui, est présenté comme une comédie. Celle-ci se déroule dans le monde de l’édition dont les codes changent.

Le film offre quelques questionnements sur cette mutation (sur le livre physique et numérique, sur la place de la lecture), mais ceux-ci, tartinés de « tu sais, de nos jours », ne vont jamais au-delà de l’enfonçage de porte grande ouverte. La première scène assez effrayante entre Guillaume Canet et Vincent Macaigne voit les deux personnages échanger des dialogues artificiels pour mieux fournir au spectateur la note d’intention du film.

La seconde scène est du même acabit, on flirte avec l’exercice de style ou la parodie (ce genre de comédie bourgeoise française qui va sembler so French aux yeux de la presse étrangère)… mais y aurait-il un peu de malice et d’ironie dans le regard d’Assayas ? Lors de l’annonce de son financement par Arte, le film était décrit comme interrogeant « avec sensibilité et profondeur les mutations du monde contemporain ». Pour la double-lecture, on repassera.

Doubles vies fait parfois illusion quand ses acteurs tiennent la baraque. Juliette Binoche ou la nouvelle venue Nora Hamzawi se distinguent assez nettement, tandis que chacune des scènes entre Guillaume Canet et Christa Teret se révèle assez redoutable en termes de malaise. Doubles vies file vite ; cela se retourne aussi contre lui tant le long métrage semble passer 1h50 à ne rien raconter au-delà de son marivaudage retapé. On a le sentiment mi-amusé mi-pénible d’assister à une réunion d’éditorialistes qui déblatèrent au PMU d’en bas. Et plus au dernier Lelouch (« Il faudrait qu’on change tous de logiciel, mais comment tu veux faire quand notre logiciel c’est la vie elle-même? ») qu’au dernier Assayas.

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par Nicolas Bardot

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