A voir en ligne | Critique : Divino amor

Brésil, 2027. Une femme profondément religieuse utilise son travail pour empêcher les couples de divorcer. Alors qu’elle attend un signe divin en reconnaissance de ses efforts, elle est confrontée à une crise existentielle…

Divino amor
Brésil, 2019
De Gabriel Mascaro

Durée : 1h40

Sortie : –

Note : 

SAINT AMOUR

Difficile, à moins de vivre dans une bulle, de ne pas avoir noté les violents changements qui ont frappé le Brésil ces dernières années, en pleine mutation ultra-conservatrice. Divino amor, nouveau film de Gabriel Mascaro (lire notre entretien), prend de l’avance : le film annonce dès le départ que « le Brésil a changé« , mais nous sommes déjà en 2027. La science-fiction, même discrète ici, est évidemment un outil, une perspective sur le présent. Alors quoi de neuf dans le futur ?

Lors du dernier Festival de Gérardmer, nous découvrions Aniara, film à la science-fiction plus évidente (vaisseau spatial et voyage dans les étoiles) produit bien loin du Brésil (en Suède). Les deux films se rejoignent en tout cas sur une prophétie : dans une société en crise, les populations se replient sur la croyance. Aux simili-sectes d’Aniara succèdent ici un évangélisme kitsch censé régler les problèmes de la vie. Le film, habilement, pas à pas, construit sa farce animée par ces pantins de la foi, par ceux qui s’en remettent entièrement et aveuglément à autrui, quel qu’il soit (un dieu bienveillant comme un dirigeant fasciste). Choix audacieux et difficulté supplémentaire d’écriture : l’héroïne ne se bat pas contre l’Eglise, elle est une croyante fervente. Ce qui donne d’autant plus d’ambiguïté, de malice, d’amertume et de cruauté au propos.

Ce futur n’est pas si différent. Cette vision d’un futur proche, en termes de direction artistique, est probablement la meilleure qu’on ait vu au cinéma depuis le subtil travail de Her, réalisé par Spike Jonze. La mise en scène de Mascaro et le travail photographique de Diego Garcia (collaborateur magique de Weerasethakul ou de Reygadas) sont absolument superbes. L’esthétique néon 80s, quelque part entre les couleurs dramatiques de The Neon Demon et la douceur mélancolique de San Junipero, installe le film dans une atmosphère d’émouvante fantaisie finalement intemporelle. Cette formidable unité visuelle nous immerge dans un étrange voyage, de la première à la dernière seconde.

Il y a du jeu dans Divino amor. Une voix-off d’enfant qui met une distance avec ce que l’on voit ; une voix mystérieuse qui semble tout savoir. C’est un conte aux lumières et à la bande son séduisantes et qui pourtant met en garde, c’est un film qui mixe le jusqu’au-boutisme religieux et l’intensément sexuel. Le résultat est audacieux, surprenant, malin, excitant et oui – tout à fait divin.


>>> Divino Amor est visible ces prochains jours sur Mubi

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par Nicolas Bardot

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