Critique : Die Tomorrow

En Thaïlande, diverses personnes vont mourir demain. Elles n’ont aucune idée de leur sort. Le film explore leur dernier jour sur terre…

Die Tomorrow
Thaïlande, 2017
De Nawapol Thamrongrattanarit

Durée : 1h15

Sortie : –

Note : 

LA MORT AUX TROUSSES

On a remarqué le Thaïlandais Nawapol Thamrongrattanarit (lire notre entretien) dès son premier long métrage, 36, qui fut couronné il y a quelques années au Festival de Busan. Ce superbe film avait une approche très conceptuelle en proposant le récit d’une photographe à travers 36 plans fixes. Cela aurait pu faire naître une certaine froideur, mais, au contraire, le dépouillement du dispositif mettait les émotions à vif. Quelques années plus tard et après des projets plus ludiques comme Mary is Happy, Mary is Happy (adaptation du contenu… d’un compte Twitter), Thamrongrattanarit revient à cette veine mélodramatique et signe un petit chef d’œuvre avec Die Tomorrow.

Derrière Die Tomorrow, il y a là aussi un concept avec ses règles et ses répétitions : divers personnages vont mourir et pour la plupart ne le savent pas encore. Le film explore les dernières heures de ces différents protagonistes mais aussi de leur entourage. Comme pour 36, les règles connues par le spectateur rendent encore plus attentif à ce qui se trame. Il n’est pas tant question de suspens que d’exacerbation de la sensibilité : le poids que prend subitement l’anecdote, la tristesse d’une chambre d’hôtel vide, les suppositions en l’air et finalement tragiques. Par la grâce de son traitement, par sa fragilité hypersensible, Die Tomorrow efface toute trace de pathos et contemple avec une infinie poésie la loi de la nature.

Lors de cette Berlinale où Die Tomorrow est sélectionné, on a pu également voir le Norvégien Utoya 22. Juli, qui retrace le massacre dont ont été victimes des dizaines de jeunes lors de l’attaque terroriste de 2012. Donner des visages et des mots aux victimes effacées, mises dans l’ombre du visage omniprésent du tueur, constituait un puissant choix politique. Le choix, ici, est poétique : en retraçant les derniers instants d’une étudiante, d’un vieil artiste, d’un amoureux éconduit, Thamrongrattanarit fait le chant d’une fuite du temps et de la vie qui s’envole – peu importe l’horoscope et ses réécritures.

Les récits prennent différentes formes, explorent différents sentiments (l’innocence, la résiliation, la culpabilité) mais n’enferment jamais les personnages dans un programme. Le choix du plan séquence laisse leur fluidité aux différents segments, tous magnifiés par une image superbe. Il y a de la tristesse, parfois même du pathétique dans ce film bouleversant. Mais il y a surtout un regard précieux sur la vie et l’après, qu’il s’agisse de la mort de quelques insectes éphémères comme d’une immense fusée qui explose dans le ciel.

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par Nicolas Bardot

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