Festival de Séville | Critique : Deva

A Deva, une petite ville de Roumanie. La jeune héroïne, Kato, vit dans un orphelinat. Un jour, en voulant se sécher les cheveux, elle s’électrocute. Cet accident va changer le monde qui l’entoure…

Deva
Roumanie, 2018
De Petra Szőcs

Durée : 1h16

Sortie : –

Note : 

MES COURANTS ÉLECTRIQUES

Il existe bien des films où les protagonistes cherchent à assumer leur identité, la revendiquent, la travaillent et la développent. Mais combien de films peut-on citer où quelqu’un chercherait à se défaire de son identité? C’est le singulier cheminement de Kato, adolescente albinos aux pupilles toujours légèrement en mouvement (comme le fantôme du Secret de la chambre noire). Avec un tel physique, Kato suscite inconsciemment les fantasmes de son entourage. Qu’une vipère se faufile à l’orphelinat, et la voilà pour la blague soupçonnée de sorcellerie. Qu’elle s’électrocute et s’évanouisse, et aux yeux des autres la voilà revenue d’entre les morts, ses cheveux « encore plus blancs qu’avant »

Sans qu’on sache vraiment qui y croit ou qui fait mine d’être dupe, Kato est mise au défi par les autres filles de lancer une malédiction sur une prof de son orphelinat. Une source de scènes cocasses où les fillettes guettent le moindre atchoum de la dite prof. Mais la vraie malediction, c’est celle qui enferme Kato dans l’image que les autres ont d’elle. Un sort qu’on ne peut lever qu’à coup de décharge, celle du courant électrique ou celle du frisson d’étre enfin vue, comprise, touchée pour de vrai. Lors d’un plan bref et saisissant, une main se posant avec compassion sur une epaule provoque un crépitement électrique brutal. Lorsqu’on lui demande quel métier elle veut faire plus tard, Kato, personnage paradoxalement insaisissable et invisible, répond du tac au tac « être regardée ». 

Pour son premier film (apres avoir signé plusieurs recueils de poésie), la cinéaste roumaine Petra Szöcs se dérobe elle aussi à toutes les attentes, slalomant placidement entre les registres, du naturalisme bucolique à la farce cruelle. Le relief le plus intéressant du film est aussi le plus inattendu : c’est l’amitié ambigue (au autre type de coup de foudre ?) qui se noue entre Kato et une de ses professeurs, une jeune femme moderne qui va devenir sa confidente et l’aider à comprendre qui elle est. Clin d’oeil à Carrie? Peut-être, meme si le ton est ici tout autre, doucement rêveur en meme temps qu’amer. Un curieux jeu de regards et de pouvoirs féminins, sur comment ceux-ci se répondent et se nourissent entre eux.

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par Gregory Coutaut

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