Critique : Days

Accablé par la maladie et les traitements, Kang erre dans les rues de Bangkok pour conjurer sa solitude. Il rencontre Non qui, contre de l’argent, lui prodigue massages et réconfort.

Days
Taïwan, 2020
De Tsai Ming-Liang

Durée : 2h07

Sortie : 30/11/2022

Note :

ON MURMURE DANS LA VILLE

Quinze ans après La Saveur de la pastèque, Days marque le retour en fanfare dans la compétition berlinoise de Tsai Ming-Liang. En cette quinzaine d’années, le cinéma du maître taïwanais est devenu de plus en plus radical et de plus en plus libre dans ses formes et ses formats, sans pour autant perdre de son incroyable chatoyance. Le rythme de ses films s’est certes ralenti, les plans se sont allongés (tel cet inoubliable plan fixe d’un quart d’heure qui clôturait Les Chiens errants), mais le cœur de son cinéma bat toujours très fort, sans sourdine.

Days pour particularité d’être quasiment dénué de dialogues. Lorsqu’il y en a, captés en bruit de fond (dans une unique scène), ils sont volontairement laissés sans sous-titres. Cela ne fait pas de Days un film muet pour autant. Les bruits de la ville, de la nature, des hommes, participent à l’hypnotisante mosaïque ici à l’œuvre. Est-il vraiment surprenant que Tsai Ming-Liang, virtuose au cinéma contemplatif, n’ait pas besoin de dialogues pour nous dire des choses bouleversantes sur un visage, un coin de rue, une chambre d’hôtel vide qui attend ses clients ?

Pas besoin de dialogue pour avoir des personnages vivants. Le film suit en parallèle le quotidien de deux hommes, à travers un enchainement ensorcelant de scènes aux enjeux simples (une sieste, le marché, une promenade solitaire…). Des scènes méditatives, parfois brièvement coupées, où chacun évolue seul. Une accumulation de vignettes sobres mais splendides, dont l’effet d’immersion est presque sans égal.

Pas besoin de dialogue pour avoir une intrigue. Celle-ci n’apparait qu’à mi-film, avec éclat. Les deux hommes sont soudain réunis dans la même pièce, et débute alors une scène de massage érotique d’une longueur et d’une intensité saisissante. Sans voyeurisme mais au plus près de la peau, la caméra de Tsai Ming-Liang ne s’arrête pas, même une fois la lumière éteinte. Le résultat laisse béat d’admiration.

A propos de cette scène magique, le cinéaste déclare « je voulais que les spectateurs aient l’impression d’être eux-même massés ». Cette sensation unique, c’est l’ensemble de Days qui la produit. C’est un film radical et câlin à la fois. Le portrait chaleureux et bouleversant de cœurs qui battent en secret dans la foule, comme une boite a musique dont la mélodie se confondrait avec le brouhaha de la ville.

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par Gregory Coutaut

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