Critique : Damsel

Samuel Alabaster, un pionnier aisé, s’aventure à travers le Far West pour épouser l’amour de sa vie, Penelope. Alors qu’il est accompagné d’un pasteur ivrogne nommé Parson Henry et d’un cheval miniature appelé Butterscotch, leur voyage, d’abord simple, devient perfide, brouillant les frontières entre héros, méchant et demoiselle.

Damsel
Etats-Unis, 2018
De David Zellner & Nathan Zellner

Sortie : –

Note : 

Damsel installe dès ses premières images les codes visuels du western : soleil qui tape, désert à perte de vue, cowboy sentencieux. « Je vais à l’ouest, comme tout le monde » déclare l’un des personnages. Mais ceux qui ont vu le déroutant Kumiko, the Treasure Hunter de David Zellner (coécrit avec son frère, Nathan) savent que les deux cinéastes ont de la ressource et aiment surprendre. A vrai dire, les grands habits du western semblent très vite trop grands pour les différents protagonistes. Le cheval est absurdement petit, les bras sont trop petits pour atteindre correctement le clavier, la sangle de guitare est trop étroite, la pomme d’Adam n’est pas aussi grosse qu’on le souhaiterait, même la ville où atterrit le héros (Robert Pattinson) semble ridiculement miniature.

Damsel se déguise d’abord en western alors qu’il s’agit plutôt d’une comédie décalée. Samuel est un dandy qui ne paraît pas taillé pour la nature sauvage, et les différents décalages éloignent le film du western premier degré. Est-ce là la surprise promise par les cinéastes ? Cette première moitié de film a quelque chose de mi-charmant, mi-ronron, à l’image d’un humour à la fois plutôt sympathique mais souvent réchauffé. On en attend plus et ça tombe bien: c’est exactement ce que les frères Zellner nous réservent.

Nous n’en dirons pas beaucoup plus sur le virage pris par le film. Mais alors que celui-ci était jusqu’alors tranquillement engagé sur ses rails, sa rupture nette lui fait prendre une autre dimension et gagner en personnalité. On rebat les cartes, tout simplement. On revoit le début autrement. Les réalisateurs nous mènent par la bride pour détourner nos attentes liées aux codes virils du genre. Ne pensez-vous pas qu’il manque peut-être quelque chose au titre ? Une fois Damsel vu, on se dit effectivement que rien ne manque, car plus que l’histoire d’une demoiselle en détresse, il est surtout question d’une ribambelle de mecs incapables de se remettre en question jusqu’à un point tragi-comique.

Not all men ? La question ne se pose pas vraiment dans le miroir déformant de Damsel qui secoue avec un mauvais esprit certain la comédie de (re)mariage. « What is wrong with you ? » est une question méta-filmique que le protagoniste indien du film pourrait poser aux hommes dans la salle ou sur la planète. Car si l’on peut juger un film sur ses qualités, sur la façon dont il s’intègre dans une filmographie, il y a aussi la manière qu’il a de s’emboîter dans le monde – peu importe que le scénario soit plus ou moins ancien. Le propos de Damsel rend le film plus hot qu’on ne l’imaginait, et moins anecdotique que ne le laissaient suggérer ses premiers ingrédients.

par Nicolas Bardot

Partagez cet article