A voir en ligne | Critique : Casa Susanna

Dans les années 50 et 60, au cœur de la campagne américaine, une petite maison en bois avec une grange abritait le premier réseau clandestin de travestis. Diane et Kate ont maintenant 80 ans. À l’époque, elles faisaient partie de cette organisation secrète. Aujourd’hui, elles racontent ce chapitre oublié mais essentiel des débuts de la trans-identité.

Casa Susanna
France, 2022
De Sébastien Lifshitz

Durée : 1h37

Sortie : dès le 07/06/23 sur arte.tv

Note :

TOUT CE QUE LE CIEL PERMET

La filmographie de Sébastien Lifshitz est peuplée d’invisibles, comme celles et ceux mis en lumière dans son documentaire du même nom réalisé en 2012. Les invisibles en question étaient des personnes homosexuelles nées dans l’entre-deux-guerres, confrontées à une société conservatrice et réactionnaire. Quelques années auparavant, Lifshitz racontait l’histoire (fictive cette fois) de Stéphanie, travailleuse du sexe trans dans Wild Side, héroïne extraordinaire mais elle aussi une invisible. Plus largement, qu’il s’agisse d’un jeune gay (Presque rien), d’une fillette trans (Petite fille) ou d’une star de la nuit montant sur la scène de Madame Arthur (Bambi), Lifshitz s’intéresse à des vies qui se déroulent dans une forme de clandestinité.

« Ce que vous êtes est contraire à la loi », entend-on dans Casa Susanna. C’est notamment de cela dont il est question, dans ce nouveau film comme dans les autres longs métrages de Sébastien Lifshitz : comment s’épanouit-on dans une société qui vous marginalise et qui ne veut pas entendre parler de vous ? De films en films, Lifshitz explore une expérience profonde de la solitude. Mais, et c’est le chaleureux paradoxe de ses longs métrages, c’est une expérience commune, partagée. Comment, malgré les embuches, une communauté se constitue-t-elle ?

Dans Casa Susanna, c’est au cœur d’une maison cachée au bord du bois. Presque une maisonnette de conte. Du travestissement à la transidentité, des personnes de tous horizons et de tous métiers s’y réfugient et s’y libèrent. Comme dans Les Invisibles, Bambi ou Les Vies de Thérèse, Lifshitz nous fait entendre d’anciennes voix queer qui sont autant de précieux témoignages. Cela raconte hier, mais ces combats sont de toute évidence encore à l’ordre du jour. Au-delà des mots, qu’est-ce que les multitudes de photos utilisées dans le film peuvent raconter de cette époque, quel écho trouvent-elles de nos jours ? Quelle que soit l’adversité, ces héroïnes (travesties, drag, trans) ont toujours été là – et ne vont pas disparaître.

Lifshitz filme Casa Susanna comme un Douglas Sirk, avec sa beauté automnale et sa bande originale sirupeuse. Cela peut parfois se retourner contre le documentaire, dont la patine est un peu lisse. Mais le cinéaste confirme qu’il sait mêler la dimension politique et pédagogique à la richesse humaine des récits. Document précieux, Casa Susanna raconte une histoire queer méconnue/mal connue avec une émouvante tendresse.


Casa Susanna est à découvrir dès le 7 juin 2023 sur arte.tv

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par Nicolas Bardot

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