Critique : Une femme indonésienne

Quinze ans après avoir été séparée de son mari, Nana a refait sa vie auprès d’un homme riche qui la gâte autant qu’il la trompe. C’est pourtant sa rivale qui deviendra pour Nana l’alliée à laquelle elle confie ses secrets, passés et présents, au point d‘envisager un nouvel avenir…

Une femme indonésienne
Indonésie, 2022
De Kamila Andini

Durée : 1h43

Sortie : 21/12/2022

Note :

A LA POURSUITE DE DEMAIN

Qu’est-ce qui poursuit les deux héroïnes jusqu’au cœur de la jungle indonésienne dans la première scène de Une femme indonésienne ? S’agit-il des Néerlandais ou des Japonais, de spectres ou d’un souvenir lancinant ? Que ce soit le poids de l’Histoire politique, le patriarcat ou la culpabilité, il semble toujours y avoir quelque chose aux trousses des femmes dans le nouveau film de Kamila Andini. « Continuons notre voyage », commente malgré tout l’une des deux femmes, à la fois humble et déterminée.

Dans l’Indonésie des années 60, Nana est une mère et une épouse. Son art floral est rayonnant même si une violence semble se cacher derrière chaque bouquet raffiné. Sa cuisine est succulente même si Nana se cache pour la vomir. Tout dans la société dépeinte par Une femme indonésienne rappelle aux femmes ce qu’elles doivent être et quelles règles celles-ci doivent intégrer. Corsetées jusqu’à l’étouffement, cachées en coulisses lors d’événements mondains, domestiquant leur chevelure en un chignon impeccable. Dans un monde où l’on ne dit pas, où l’on ne demande pas, une femme « doit être douée pour garder des secrets » – et c’est peut-être dans ce chignon qu’elle les dissimulera.

Dans son précédent long métrage, l’attachant Yuni couronné à Toronto et encore inédit en France, Kamila Andini questionnait la possible émancipation d’une très jeune fille éprise de liberté. Il est à nouveau question d’émancipation dans Une femme indonésienne, mais son héroïne plus âgée ne semblait même plus l’attendre. Cette émancipation prend des chemins inattendus, Kamila Andini déjouant des décennies de clichés en montrant une surprenante solidarité féminine dans une situation où la plupart des autres cinéastes auraient filmé une rivalité. Cette manière d’aller contre les idées reçues (et misogynes) est vieille comme Dorothy Arzner mais elle reste suffisamment rare pour qu’on la note.

Au-delà de sa dimension féministe, Une femme indonésienne est aussi une intrigue romanesque qui trouve sa place dans un film d’une très grande élégance. Son dénouement est émouvant mais le long métrage, avant cela, manque de temps à autre de tension, cette étrange vibration qui habite son meilleur film The Seen and UnseenUne femme indonésienne demeure une belle réussite dont le récit situé dans le passé est articulé avec suffisamment d’habileté pour parler d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

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par Nicolas Bardot

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