Critique : Au revoir l’été

Accompagnée de Sakuko, sa nièce, qui prépare son entrée à l’université, Mikie est de retour dans son village natal pour mener à bien la traduction d’un roman indonésien. La langueur estivale de la campagne japonaise est l’occasion pour Mikie, de renouer avec Ukichi, un ancien amant, gérant d’un love hôtel clandestin et pour Sakuko de se rapprocher du timide Takashi, réfugié de Fukushima. L’ambition studieuse de cet été cède peu à peu la place à une rocambolesque ronde affective où la délicatesse et le burlesque ne masquent jamais tout à fait la dureté du Japon contemporain.

Au revoir l’été
Japon, 2013
De Koji Fukada

Durée : 2h05

Sortie : 09/06/2021 (reprise)

Note :

SAKUKO AU BORD DE LA RIVIÈRE

Au revoir l’été est le titre international (et en français, donc) de ce film réalisé par Koji Fukada (lire notre entretien), cinéaste francophile qui s’est depuis davantage fait connaitre chez nous avec des longs métrages tels que Harmonium ou le récent L’Infirmière. Le titre original de Au revoir l’été, qui signifie Sakuko au bord de la rivière, sonne comme un clin d’œil à Pauline à la plage. Fukada est en effet un amoureux de Rohmer, et si (comme d’habitude) les liens rohmériens faits ici ou là entre Au revoir l’été et le cinéma de Rohmer sont souvent limités à la récurrence des marivaudages, ce sont d’autres éléments qui lancent des ponts entre le réalisateur japonais et le maître français.

Comme chez Rohmer, on parle beaucoup, et comme chez Rohmer, il y a un décalage entre l’action et la parole. Dans Au revoir l’été, un homme parle de son hôtel comme d’un endroit respectable, pas comme du love hotel qu’il est réellement (et personne n’est dupe). La jeune héroïne s’interroge sur l’intérêt d’aller aider des peuples à l’étranger alors qu’il y a tant de gens à aider au Japon : un camarade, réfugié de Fukushima, ne semble pourtant pas recevoir tant d’aide que ça (et ses camarades se moquent sans gêne de lui). On parle de partir loin alors qu’on se balade sur des rails abandonnés, recouverts par la verdure. Sous ses apparences extrêmement douces, Au revoir l’été porte un regard assez amer sur une société japonaise repliée sur elle-même tout en ignorant ce qui cloche.

« Tu devrais réviser ». Cut: l’héroïne part à la plage. Parfois, le décalage entre l’action est la parole est plus léger. Au revoir l’été a, malgré son amertume, une délicatesse absolument charmante. On pense à cette scène où Sakuko (Fumi Nikaido, découverte dans Himizu de Sono Sion) entre dans l’eau comme elle pénétrerait dans un miroir, ou au superbe usage des couleurs: le vert tendre d’une robe, le rose d’un plaid abandonné sur le lit de la chambre, le rouge de la glace pilée. Mais ce rouge n’est-il pas un trompe l’œil ? Ces glaces n’ont-elles pas toutes le même goût ? Il serait assez facile de ne voir en Au revoir l’été qu’une jolie chose coquette alanguie sous le soleil d’été mais le film de Koji Fukada, par ailleurs probablement trop long, est plus complexe que cela.

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par Nicolas Bardot

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