Festival de Locarno | Critique : Aswang

Élu président des Philippines en juin 2016, Rodrigo Duterte, fidèle à sa promesse de campagne, a mis immédiatement en branle une machine d’exécution massive des toxicomanes, des dealers et autres petits malfrats de Manille. En un peu moins de deux ans, 20 000 hommes, femmes et enfants ont été tués. La réalisatrice documente depuis le début la réalité de ces nuits moites et assassines en arpentant sa ville natale. Sur les lieux des crimes, elle rencontre les familles en état de choc.

Aswang
Philippines, 2019
De Alyx Ayn Arumpac

Durée : 1h25

Sortie : –

Note :

PEUR SUR LA VILLE

L’aswang est une créature surnaturelle et monstrueuse du folklore philippin. Celle-ci peuple de nombreuses légendes et figure dans de nombreux films fantastiques. Mais elle semble aussi rôder au cœur des rues dépeintes par la Philippine Alyx Ayn Arumpac dans son documentaire. La caméra s’attarde sur les lumières de la ville et celles du gyrophare de la police. Plus loin, un gamin confie à la caméra qu’un serpent monstrueux habite certainement dans la rivière d’à côté. Ce que décrit Alyx Ayn Arumpac n’a pourtant rien de surnaturel.

La politique menée par le président Duterte a fait plusieurs dizaines de milliers de morts aux Philippines. La guerre a été déclarée aux trafiquants de drogue, ainsi qu’à leurs consommateurs. Mais c’est, comme le raconte la cinéaste, surtout une guerre politique faite aux plus pauvres, où les vies des bidonvilles ne valent strictement rien tandis que les barons de la drogue ne sont pas inquiétés.

La caméra naturaliste pourrait rappeler les récits de Brillante Mendoza, mais Alyx Ayn Arumpac ôte la dimension mélodramatique pour un portrait tragique où la police agit dans l’impunité la plus totale. On balaie du soir au matin les rivières de sang qui maculent le bitume tandis que les tombes débordent littéralement de morts. Aswang raconte un business où les flics peuvent parfaitement enlever quiconque, séquestrer dans des cachots, et réclamer des rançons. C’est un documentaire, mais c’est effectivement un film sur une présence maléfique. Lors d’un festival de rue, un char présente le visage de Duterte qui se transforme en démon. Aswang est un film de nuit, hantée et vénéneuse, où la lumière brute du jour ne ment pas sur l’horreur réelle du quotidien.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article