Festival Cinéma du Réel | Critique : As I Want

Le Caire, le 25 janvier 2013. Le jour du deuxième anniversaire de la révolution, une série de graves agressions sexuelles a lieu sur la place Tahrir. En réponse, une foule immense de femmes en colère s’emparent des rues. Samaher Alqadi se joint à elles, prenant sa caméra avec elle en guise de protection, mais aussi pour documenter une révolution féminine en plein essor.

As I Want
Égypte / France / Norvège / Allemagne / Palestine, 2021
De Samaher Alqadi

Durée : 1h28

Sortie : –

Note :

CE QU’IL RESTE DE LA RÉVOLUTION

As I Want est le premier long métrage de la Palestinienne Samaher Alqadi et c’est peu dire que ce documentaire urgent constitue un témoignage d’une puissance extraordinaire. Le point de départ de As I Want, ce sont les agressions sexuelles dont on été victimes des femmes sur la place Tahrir, au second anniversaire de la révolution. Des images atroces d’agression collective témoignent de comportements barbares, dans une totale impunité. Mais ces agressions ne sont pas une nouveauté, elles n’appartiennent pas strictement à la place Tahrir – ni à l’Égypte – et le film examine aussi plus largement la manière dont les femmes sont considérées par les hommes.

Le vrai point de départ semble en fait remonter à plus longtemps. Dans As I Want, une chanson revient en mémoire, celle-ci porte sur le bonheur d’avoir un garçon et le malheur d’avoir une fille. Pourquoi ce malheur, se questionne la cinéaste ? Comment nait-on dominée ? Dans un parc, Samaher Alqadi recueille les propos d’enfants, qui pour la plupart débitent ce qu’on leur a enseigné de haine et de honte des femmes. Dans le lot, une seule fillette parle de liberté. L’intime et le collectif sont politiques, et c’est pourquoi la réalisatrice peut ici autant parler de la société égyptienne que de son histoire personnelle et familiale.

Néanmoins, ce qui nous paraît le plus impressionnant dans As I Want, c’est lorsque Alqadi sort de son histoire intime pour affronter le monde. Elle croise des hommes qui la harcèlent, lui expliquent comment s’habiller, comment ne pas être coupable d’exciter les mâles, comment un tel diamant devrait rester à la maison, en un mot comment disparaître de l’espace public qui ne lui appartiendrait pas – un pur cauchemar. Mais, comme on le commente dans le documentaire, une partie importante de la révolution, c’est montrer que l’on n’a pas peur. Il y a pourtant de quoi. Dans As I Want, on enseigne la riposte aux femmes, et celles-ci doivent apprendre à planter des mecs juste pour pouvoir… vivre, être tranquilles, respirer.

En manifestation, un couteau est fièrement dressé par une femme. Un couteau, plus tard, est dressé là encore à la vitre d’un véhicule, à travers laquelle on peut voir des post-adolescents qui s’excitent. On a le sentiment que Samaher Alqadi risque sa vie en filmant ? C’est le quotidien de ses semblables qu’elle capture. Sa caméra saisit la routine de ces agressions, mais elle change aussi les choses en exposant des visages d’un coup moins sûrs d’eux. Elle saisit également avec force le pouvoir collectif des femmes, le pouvoir de leur solidarité dans cette révolution. Les lois depuis ont avancé mais le film mesure le chemin à parcourir et célèbre la rage des femmes, une rage belle et galvanisante car elle est remplie d’espoir.

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par Nicolas Bardot

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