Critique : Aristocrats

A presque 30 ans, Hanako est toujours célibataire, ce qui déplait à sa famille, riche et traditionnelle. Quand elle croit avoir enfin trouvé l’homme de sa vie, elle réalise qu’il entretient déjà une relation ambiguë avec Miki, une hôtesse récemment installée à Tokyo pour ses études. Malgré le monde qui les sépare, les deux femmes vont devoir faire connaissance.

Aristocrats
Japon, 2020
De Yukiko Sode

Durée : 2h04

Sortie : 30/03/2022

Note :

LES CHEMINS DE LA HAUTE VILLE

Tokyo est immense et les héroïnes de Aristocrats en font plusieurs fois l’expérience. Il y a ces trajets nocturnes et répétés en taxi, il y a ces multiples plans sur la ville à perte d’horizon, il y a encore cette vue qu’une Tokyoïte n’avait encore jamais eue devant elle. Mais Tokyo, nous dit-on, est « compartimentée ». On n’y rencontrerait que des gens de sa propre classe et les mélanges semblent en effet mal prendre dans Aristocrats – lorsque la bien-née Hanako débarque dans un bar populaire, elle est à deux doigts de la crise de panique. Voilà le premier paradoxe que la Japonaise Yukiko Sode (lire notre entretien) raconte : celui d’un monde qui paraît sans limite mais qui se révèle particulièrement étriqué.

Qui se soucie de ce qu’Hanako désire ? Celle-ci débarque au tout début du film à un dîner chic de Nouvel An et le siège de son petit ami reste vide car il vient de la larguer. Sa famille très aisée qui se demandait juste avant comment porter la fourrure ne prend pas une seconde pour la consoler, et essaie déjà de la recaser avec un bon parti. Un peu plus loin, qui se soucie de ce que désire Miki, accusée d’égoïsme par sa famille lorsque la jeune femme refuse de sacrifier son avenir ? Hanako et Miki ont beau venir de milieux sociaux différents, ceux-ci ont en commun les injonctions faites aux filles. Et lorsqu’on évoque dans Aristocrats une cérémonie de poupées, on ne sait plus vraiment si l’on parle de jouets ou des héroïnes du long métrage.

L’antagonisme exploré par Sode est classique mais il est habilement raconté. Tout dans Aristocrats semble trop grand pour Hanako : ses vêtements de mamie comme sa bague récupérée d’une aïeule. Elle a une vingtaine d’années et fait du point de croix dans sa cage dorée. L’écriture minutieuse de la réalisatrice n’enferme pourtant pas ses héroïnes et évite les clichés misogynes sur les rivalités féminines. La société est contre ces femmes qui s’unissent entre elles pour prendre leur destin en main ? Yukiko Sode raconte justement comment la sororité permet de s’affranchir des barrières sociales les plus figées – ce portrait-là est réussi et émouvant.

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par Nicolas Bardot

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