Cinéma du Réel 2019 | Critique : A rosa azul de Novalis

Marcelo, un dandy d’environ 40 ans, a une mémoire sans précédent. Il se souvient exactement de son enfance et même de ses vies passées. Dans l’une d’entre elles, il était Novalis, un poète allemand à la recherche d’une rose bleue. Et dans la vie actuelle, que poursuit Marcello ?

A Rosa Azul de Novalis
Brésil, 2019
De Rodrigo Carneiro, Gustavo Vinagre

Durée : 1h10

Sortie : –

Note :

IN MY ROOM

On avait découvert le réalisateur brésilien Gustavo Vinagre l’an dernier au Cinéma du Réel avec son premier long métrage : I Remember the Crows. Dans ce passionnant documentaire, l’actrice trans Julia Katharine nous recevait dans le dépouillement de son appartement pour mieux nous hypnotiser en nous racontant sa vie rocambolesque. Pour son deuxième film, Vinagre est accompagné d’un co-réalisateur, Rodrigo Carneiro, sans pour autant que le dispositif d’écriture en soit entièrement chamboulé. A l’écran : un lieu et un moment unique (le film a été tourné en trois jours seulement, et la caméra ne s’aventure pas plus loin que sur la terrasse de l’appartement), et une seule personne, ou plutôt un personnage – à bien des égards, Marcelo est en effet son propre personnage.

Dans un cadre aussi épuré, la parole a paradoxalement toute la place pour se déployer. Dans la bouche de Marcelo, les souvenirs se mêlent au fantasmes, la tendresse à la provocation. Dès l’incroyable plan d’ouverture – qui ne laisse pas indifférent – rien ne nous est caché de son intimité. « J’ai l’habitude de parler de moi et de m’exprimer jusqu’à ce que ça en devienne morbide » nous prévient-il. Marcelo manie l’impudeur sans garde-fou, avec un mélange de flamboyance et de névrose, parlant d’inceste et de violence domestique au dessus des tartines du petit déjeuner. Tantôt joueur, tantôt abattu par la propre brutalité de ce qu’il raconte.

La parole se fait mise en scène. Au sens propre d’abord : les souvenirs évoqués par Marcelo, comme l’enterrement de son frère, prennent vie dans un coin de salon transformé en scène de théâtre (ou projetés sur un masque – effet saisissant). Le temps de ces reconstitutions, Marcelo est à la fois le narrateur, le metteur en scène, l’acteur et le spectateur. Mise en scène au sens figuré aussi, car dans ses histoires comme dans sa vie, Marcelo s’octroie les rôles les plus tragiques. C’est aussi le cas sur les applications de drague ou dans sa vie sexuelle, lui qui enchaine les plans maso, ou rêve d’envoyer une sex tape à son père homophobe.

Faut-il croire ces histoires parfois particulièrement sordides ? La question se posait parfois dans I Remember the Crows, et la réponse était déjà : peu importe. La fanfaronnerie de Marcelo, qui déclame des poèmes dans sa robe de chambre satinée tout en se faisant baiser devant la caméra, est parfois fatigante, mais il y a surtout une puissance cathartique dans ce monologue, la recherche d’un « choc tellement grand qu’il pourrait faire trembler les murs ». Le titre du film vient d’un roman de l’écrivain allemand Novalis, dont le protagoniste cherche en vain toute sa vie une rose bleue. La recherche de Marcelo est à la fois fiévreuse et émouvante. Sa flamboyance n’est pas qu’un éclat scintillant, c’est aussi un brasier et un bûcher.

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par Gregory Coutaut

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