Critique : A E I O U – L’Alphabet rapide de l’amour

Anna est une comédienne taciturne de soixante ans, confrontée à son obsolescence et condamnée à des rôles ingrats. Adrian est un adolescent solitaire, kleptomane et en échec scolaire. Chargée de lui donner des cours d’éloquence, en vue d’une performance théâtrale, Anna prend Adrian au sérieux, à la grande surprise de celui-ci. Les leçons deviennent des dîners et Anna passe de mentor à maîtresse.

A E I O U – Alphabet rapide de l’amour
Allemagne, 2022
De Nicolette Krebitz

Durée : 1h44

Sortie : 21/12/2022

Note :

PAR EFFRACTION

Si elle réalise depuis le début des années 2000, l’Allemande Nicolette Krebitz a pu être plus particulièrement remarquée avec son précédent long métrage intitulé Sauvage. Ce film racontait l’histoire d’une femme dont l’existence est bouleversée par sa rencontre avec un loup ; et il y a un peu de cela dans son nouvelle œuvre, AEIOU – L’Alphabet rapide de l’amour. En effet, Anna, une comédienne de 60 ans (incarnée avec charisme par l’Autrichienne Sophie Rois qui donne une drôle d’aspérité à son personnage) se lie façon deux ex machina avec le garçon de 17 ans qui a tenté de lui voler son sac – un jeune loup qui lui aussi va bouleverser sa vie.

Anna est arrivée à un âge où elle est moins employée, où on lui demande de jouer moins raide ou moins fatiguée, et où l’on n’hésite pas à lui dire qu’elle ressemble à un fantôme. Comment le spectre peut-il remettre la main sur sa vie quand la moindre panne d’électroménager lui déclenche une angoisse existentielle ? Par un amour fou, littéralement. Anna et Adrian n’ont rien à voir ensemble, et sont particulièrement bien castés car Sophie Rois et Milan Herms forment un couple totalement mal assorti. C’était déjà la thématique de Sauvage : comment rompre le contrat qui nous lie à la société ? La transgression ici est plus douce, plus sentimentale – mais cet amour-là est malgré tout une transgression.

Ce qui rend galvanisante cette désobéissance, c’est le choix fait par Krebitz de raconter une transgression heureuse. On étudie dans AEIOU les valeurs et significations des voyelles et des consonnes lors d’un exercice de diction. On explore alors tous les sentiments liés à la lettre A, comme le film explore lui aussi tous les sentiments possibles avec son romanesque plus grand que nature. Le récit en voix-off est assuré par Anna elle-même, avec un curieux usage de la troisième personne, ouvrant la piste d’une histoire imaginaire – dans tous les cas, l’histoire d’une femme qui reprend la narration de sa vie. AEIOU n’est pas parfait, mais fait preuve d’un charme aussi certain que particulier.

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par Nicolas Bardot

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