Critique : 24 semaines

Les lumières de la scène, les applaudissements, Astrid aime se produire au cabaret autant qu’elle aime Markus, un mari tolérant dont elle a tout le soutien. Ils prennent chaque décision ensemble, et celle-ci n’est pas différente : que feront-ils de l’enfant d’Astrid, six mois après le début de sa grossesse, quand elle apprend qu’il sera lourdement handicapé ? Avec Markus, ils doivent faire un choix, mais ils disposent de peu de temps… 

24 semaines
Allemagne, 2016
De Anne Zohra Berrached

Durée : 1h42

Sortie : –

Note : 

LE MAL DE MÈRE

Il y a trois ans, nous avions repéré la réalisatrice allemande Anne Zohra Berrached avec son premier long métrage, Two Mothers, un film intranquille dont la sobriété confinait à l’âpreté. 24 semaines, son nouveau film (nettement plus accessible), s’ouvre avec des violons et une image de famille-bonheur sortie d’une pub pour pâte à tartiner. La cinéaste aurait-elle perdu en radicalité ? Justement pas. Two Mothers racontait déjà une histoire de maternité contrariée, et comme dans ce dernier, Anne Zohra Berarched a basé son scénario sur un long processus de documentation, recueillant les témoignages en s’attachant à deux points : reproduire l’authenticité de l’expérience et montrer ce qui est habituellement caché. L’avortement est un sujet déjà traité par plus d’un film. Le handicap des enfants également. Pourquoi alors a t-on l’impression d’entendre ici tout cela pour la première fois, plus vrai qu’ailleurs ?

C’est sans doute parce que, même si 24 semaines a beau être un film limpide, le scénario réussit avec brio une sacrée pirouette : ne rien éluder tout en dégraissant un maximum. En dire plus en en disant moins. La réalisatrice/auteure brille ici par sa manière d’éviter tous les passages redoutés, soi-disant obligés, de ce type de récit : pas de scène d’hystérie, de pathos, de psychologie à outrance. En somme, jamais de lourdeur. Et pourtant, quelle façon sans compromis de regarder les choses en face.

C’est là que se niche la radicalité du film : dans une honnêteté intellectuelle qui n’élude jamais le malaise sans non plus tomber dans le sensationnalisme. Malgré un rapport ambivalent à la médecine (qui explique mais ne résout pas tout), 24 semaines n’est pas un film à sujet. Ce n’est pas non plus un film confortable où l’héroïne réglerait son problème seule puis retournerait songer devant son miroir. Comme sa protagoniste, il va au charbon, et appelle un chat un chat: ni les couloirs d’hôpitaux, ni les explications scientifiques, ni les sentiments complexes et rarement exprimés (la mort de l’autre comme libération personnelle) ne sont tus.

Le temps d’un plan, 24 semaines cite l’un des meilleurs effets de mise en scène de We Need to Talk About Kevin (une autre histoire de maternité calvaire). Sans prétendre à un même niveau de mise en scène, le film peut lui aussi se targuer de donner lieu à une excellente performance d’actrice. Julia Jentsch, repérée dans nombre de films historiques, offre ici un visage complexe et contemporain à un personnage de femme comme on aimerait en voir plus souvent sur les écrans.

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par Gregory Coutaut

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