Critique : Hanaa

En Inde, une jeune fille est forcée de se marier parce que son horoscope a montré que c’était sa seule chance de survie, alors qu’une autre fille au Nigéria a été violée et kidnappée par les soldats de Boko Haram. Au Pérou, une troisième fille, prostituée, devient mère beaucoup trop jeune, et en Syrie une quatrième fille d’Alep déchirée par la guerre est vendue à son futur mari. Leurs quatre destins reflètent les conditions inhumaines qu’endurent de nombreuses jeunes femmes aujourd’hui…

Hanaa
Italie, 2018
De Giuseppe Carrieri

Durée : 1h27

Sortie : –

Note : 

LES FILLES INCONNUES

« Dieu compte les larmes des femmes » : c’est par cette citation du Talmud que s’ouvre Hanaa, documentaire réalisé par l’Italien Giuseppe Carrieri (lire notre entretien). Ce film se penche sur les histoires de quatre très jeunes femmes qui, Hana ou Ana, portent toutes le même prénom. Mais elles vivent dans des mondes qui semblent totalement différents : en Inde, au Pérou, au Nigeria et en Syrie. Pourtant, dans une Alep rendue fantôme par les conflits ou dans les rues nocturnes d’une ville péruvienne, elles semblent toutes confrontées à une même solitude.

Carrieri est très attentif à chacun de leurs mots. Le film, autour de leurs voix fragiles, accorde beaucoup de place au silence. Hanaa recense de terribles abus masculins en tous genres : soldats de Boko Haram qui enlèvent et violent des jeunes filles, simple garçon qui couche avec une fille pour l’abandonner enceinte ou homme âgé qui achète sa jeune épouse. Not all men  ? Certains sont ici en tout cas bien heureux de citer des traditions patriarcales séculaires pour justifier leur oppression. S’il n’y avait pas cette séquence où les pleurs d’une jeune fille se confondent avec ceux d’un bébé, on en viendrait presque à oublier que ces filles violées ou mariées de force n’ont que 15 ans.

La dimension tragique d’Hanaa vient évidemment des terribles sorts qui sont racontés, mais aussi de la manière dont on persuade ces jeunes filles que leur destinée est écrite. Dans cet enfer, quel place reste t-il à la beauté ? C’est l’une des questions essentielles que pose le film, sans pour autant esthétiser l’horreur. Il y a ici le constat amer d’un monde qui n’a que faire de ses filles. Celles-ci s’en remettent à Dieu ou au diable, à l’eau du fleuve ou à la lune – mais pas aux hommes. C’est auprès d’elles que le réalisateur nous convie dans ce documentaire dur et poignant, quelques jeunes femmes qui essaient de se frayer un chemin dans l’existence avec un bandeau sur les yeux.

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par Nicolas Bardot

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