Critique : Pig

Hasan bouillonne de rage. Placé sur liste noire, il n’a plus l’autorisation de réaliser de films depuis des années. Alors que sa vie part en morceaux, un tueur en série sévit à Téhéran. Ses cibles: les illustres réalisateurs iraniens. Mais pourquoi ce tueur continue t-il à ignorer Hasan ?

Pig
Iran, 2018
De Mani Haghighi

Durée : 1h48

Sortie : 05/12/2018

Note : 

CA CARTOON

Pig, le porc, cela pourrait être le sobriquet de Hasan, quinquagénaire râleur habillé en t-shirt rock d’adolescent, vivant encore chez sa maman en ayant du mal à accepter que le monde ne tourne pas autour de son nombril. C’est aussi le sceau d’infamie qu’on lui a collé dessus, lui qui s’est vu interdire par le gouvernement de poursuivre son métier : réaliser pour le cinéma (pour des raisons d’ailleurs jamais expliquées). Mais c’est également le mot qu’un mystérieux tueur en série grave sur le front de chacune de ses victimes, tous des cinéastes reconnus. Toutes les pistes le pointent du doigt : Hasan devrait être la prochaine victime de cet assassin. Or la menace se fait attendre.

La possibilité, pour les autorités iraniennes, d’interdire à un réalisateur de pratiquer son art d’une manière ou d’une autre, fait échos aux situations d’artistes tels que Jafar Panahi ou Mohammad Rasoulof. En partant de ce point de départ on ne peut plus sérieux et réel, le réalisateur Hani Maghighi réalise pourtant le type de film qu’on attendait le moins : une comédie ! Et pas n’importe laquelle : une comédie bouffonne et absurde. Un thriller plein d’ironie, de rock et de néons. Un cartoon où tout et tout le monde explose. Un film gonflé et coloré (visuellement, c’est un plaisir) qui bouscule tout, à commencer par les clichés qui entourent le cinéma iranien et ses drames familiaux pétris de dignité. Une démarche d’autant plus dingue que le rôle principal féminin est ici justement tenu par l’un des visages les plus connus de ce cinéma-là: Leila Hatami, actrice fétiche d’Asghar Farhadi. Elle est ici en total contre-emploi, avec ses incroyables costumes dignes d’une candidate azérie à l’Eurovision.

A force de ne pas tourner, Hasan ronchonne. A force de voir des jeunes cinéastes, forcément moins bons que lui, récolter les honneurs, Hasan bout. Apprenant que ce tueur en série tue tous les cinéastes du pays mais pas lui, Hasan devient fou. Le voilà qui fomente des plans pour devenir la prochaine victime, et retrouver son honneur. Appréciable autant au premier qu’au second degré, comme une simple farce ou comme un manifeste cinématographique, cette histoire pas possible est hilarante pour plein de raisons, et de plein de façons. Avec Valley of Stars Maghighi avait déjà prouvé qu’il était capable de surprendre comme peu de cinéastes. Pig ne ressemble à rien de ce que l’on connait et attend du cinéma iranien. Les références qui viennent plus immédiatement en tête seraient plutôt Scooby-doo (pour l’enquête farfelue faite de courses-poursuites) ou Bob l’éponge (pour les nombreuses insertions subites de détails incongrus). Il faut le voir pour le croire.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article