Critique : Diamantino

Diamantino, icône absolue du football, est capable à lui seul de déjouer les défenses les plus redoutables. Alors qu’il joue le match le plus important de sa vie, son génie n’opère plus. Sa carrière est stoppée net, et la star déchue cherche un sens à sa vie. Commence alors une folle odyssée, où se confronteront néo-fascisme, crise des migrants, trafics génétiques délirants et quête effrénée de la perfection.

Diamantino
Portugal, 2018
De Gabriel Abrantes, Daniel Schmidt

Durée : 1h32

Sortie : 28/11/2018

Note : 

DIEU DU STADE

Combien de bonnes comédies sur le football pouvez-vous citer? Question-piège, car Diamantino a beau avoir pour protagoniste un joueur plus vrai que nature (un sosie de Cristiano Ronaldo), il ne s’agit pas vraiment d’un film sur le foot. Il ne s’agit de toute façon pas d’un film-à-sujet, tant les deux réalisateurs (un Portugais et un Américain) se fichent du réalisme. Ils l’envoient même d’un grand coup de pied à l’autre bout du terrain. Carrure d’athlète, Diamantino le joueur-star est en secret un rêveur sensible, obsédé par les bébés animaux. Face à un chaton, sa mâchoire serrée s’ouvre enfin pour se transformer en sourire de ravi de la crèche, sans pour autant perdre de sa séduction incroyable. A ce titre, le Portugais Carloto Cotta (déjà canon en aventurier moustachu dans Tabou), est idéalement casté: il joue le beau gosse benêt de façon particulièrement convaincante, sans jamais tomber dans la moquerie.

Nul ne le sait, mais quand Diamantino est sur le point de marquer un but, il s’imagine batifolant parmi des chiots géants, baigné de litres de bain de mousse rose, comme dans une colossale pub Minidoux. Diamantino, le film, déborde d’idées farfelues de ce genre: des bonnes sœurs lesbiennes, une espionne déguisée en petit garçon, des clones nazis… formant un kaléidoscope à l’absurdité permanente. Récit fou mais pas hystérique (au contraire, le rythme est régulièrement le point faible du film), Diamantino réussit une autre pirouette : être très drôle mais pas moqueur.

L’univers des méga stars du football étant déjà parfois proche de la parodie, enfoncer le clou eut été redondant et lourd. Or, Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt font preuve de beaucoup de bienveillance. Le foot est certes ici la métaphore des valeurs réactionnaires, du fric-roi et de la corruption. Mais au milieu de ce vent de folie, tel un dieu du stade devant un petit chat, nous voilà émerveillés par l’innocence joyeuse et contagieuse du héros.

Ce n’est pas un hasard si c’est sur Cristiano Ronaldo (qui avait été « outé » par Rihanna) que le personnage de Diamantino est basé. Mais se contenter de faire de sa supposée homosexualité un sujet de comédie aurait été trop facile. Sans jamais réellement faire état de la sexualité de son protagoniste (ce n’est jamais vraiment le sujet) Diamantino demeure néanmoins très queer, au sens le plus subversif. D’abord en étant fantaisiste à outrance bien sûr, mais surtout en déconstruisant à coup de calinous et de rêves tendres l’image d’une masculinité insensible et puissante. La masculinité toxique des surhommes, des dieux du stade, des footeux homophobes, des pères de famille ou des chefs politiques est ici balayée d’un grand coup par ce bain de mousse géant. Un bain irrésistible, rose et léger à l’image de cette comédie à la fois idiote et bien maline.

par Gregory Coutaut

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