Critique : Mon père

Dans un village des montagnes péruviennes, Segundo aide son père à fabriquer des retablos, mais ce dernier cache un secret.

Mon père
Pérou, 2018
De Álvaro Delgado-Aparicio

Durée : 1h41

Sortie : 19/12/2018

Note : 

UN HOMME UN VRAI

« Je veux voir d’autres choses » insiste le jeune Segundo (second, un prénom pas anodin). Même du haut des superbes montagnes péruviennes où sont plantés sa ferme et son village, l’horizon lui semble bouché. Rien ne va vraiment de travers pourtant dans sa vie. Par exemple, il s’entend étonnamment bien avec son père, Noé, gloire locale grâce à son talent pour construire des retablos, sortes de crèches décoratives à la fois pieuses et profanes. Noé a beau être son modèle, Segundo rechigne gentiment à l’idée de lui succéder. Il s’ennuie. « Je veux voir d’autres choses« . Ce qu’il va voir alors qu’il surprend son père par mégarde – impossible de dévoiler en détail – va justement tout changer.

Avant cette scène-pivot, Mon père prend un peu son temps pour dépeindre cette vie quotidienne presque idéale. Cette relation père-fils, ces paysages, tous cajolés par de très belles images et lumières, font craindre que l’ensemble tombe dans la carte postale. Mais si l’on lit entre les lignes, il y a quelques intrigants cailloux dans ce beau soulier. On voit à un moment des hommes pratiquer un danse locale, sorte de faux combat très chorégraphié avec des rubans de couleur. Cette scène pourrait n’être que pittoresque si le réalisateur ne faisait pas – plus tard dans le film – un parallèle amer avec une autre scène où de jeunes mecs apprennent à devenir des vrais hommes en cassant la figure au moins viril d’entre eux.

Segundo cherche sa place dans une société rurale et patriarcale. Mais si Mon père est un film d’apprentissage (celui de la virilité, de la masculinité), ce n’est pas le récit d’apprentissage auquel on s’attend, et tant mieux. Malgré ce postulat, Mon père prend le contre-pied de certaines attentes. En filigrane, le film tord même le cou à plusieurs clichés de cinéma, que ce soit ceux des relations pères-fils pleines de grands sentiments virils, ou bien celles de jeunes garçons sensibles. Sans en avoir l’air, Mon père montre qu’il y a des moyens alternatifs et inattendus d’être un homme, un vrai.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article