Critique : When the Trees Fall

Larysa est amoureuse de Scar, une petite frappe, mais dans leur petit village ukrainien leur amour est vu du mauvais œil. Les amoureux rêvent de s’enfuir et de s’émanciper des traditions.

 

When the Trees Fall
Ukraine, 2018
De Marysia Nikitiuk

Sortie : –

Note : 

SUR UN ARBRE PERCHÉ

Découvert en début d’année à la Berlinale, puis au Festival de Transylvanie, When the Trees Fall, tout premier film de la réalisatrice ukrainienne Marysia Nikitiuk (lire notre entretien), s’impose déjà comme l’une des révélations de l’année. Un amour interdit, un village presque coupé du monde, la menace d’une tragédie pesant sur des jeunes amants trop avides de liberté: le récit de When the Trees Fall a beau être archétypal, le résultat final est rien moins qu’extraordinaire, d’un lyrisme ébouriffant.

Bien que situé dans un monde moderne et réaliste, le village où vivent Larysa et Scar semble niché dans une forêt idyllique, plongée dans une brume fantasmagorique. L’écho d’un conflit armé tout proche plane sur le quotidien des habitants, mais c’est comme si un souffle magique venait par moments rééquilibrer cette atmosphère de terreur. Dans cette histoire vue à hauteur de jeunes adolescents, les enfants vagabondent en dehors de leur chaumière, tandis que les adultes ressemblent encore à des géants et que les grand-mères sont d’odieuses marâtres sorties d’une fable. Si Marysia Nikitiuk utilise ainsi les figures du conte de fée, c’est à la fois pour faire donner une dimension épique à cette histoire d’extase amoureuse (et en effet, quel souffle plane sur le film!), mais aussi pour la soumettre à la menace d’une tension quasi-surnaturelle.

Car dans When the Trees Fall, le merveilleux n’est jamais naïf. Si les chevaux sauvages courent au ralenti dans le superbe étang du village, ils se noient parfois dans sa vase, et les fleurs du jardin peuvent vite devenir des fleurs mortuaires. Comme tous les récits d’amour fou, la relation entre Larysa et Scar possède en elle le germe de la catastrophe. Marysia Nikitiuk n’élude pas la violence du monde qu’elle dépeint, qu’elle soit morale ou physique (au détour d’une scène de liesse, une femme se fait battre dans un rire général). Une violence qui envoie les tout jeunes garçons à la guerre, comme celle qui enferme les jeunes filles dans la prison des traditions. Des destinées de conte de fée, mais qu’est-ce qui a changé dans le monde contemporain?

Dans la première partie du film, ce sont les personnages masculins qui semblent écrasés par le fatum de la tragédie, tandis que les filles se perdent dans un monde de fantaisie et de désirs charnels fou. Puis progressivement, l’équilibre s’inverse: les garçons reviennent du conflit en âge de se marier, mais ces unions-là viennent mettre un terme brutal aux rêveries féminines. Ces dimensions s’entrechoquent dans un finale étourdissant, l’une des plus belles fins de film vues récemment, qui montre que l’imaginaire est la clé des prisons dans laquelle on enferme les jeunes filles.

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par Gregory Coutaut

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