A voir en ligne | Critique : Touch Me Not

A la frontière entre réalité et fiction, Touch Me Not suit le parcours émotionnel de Laura, Tomas et Christian qui cherchent à apprivoiser leur intimité et leur sexualité. Si cette soif d’intimité (toucher et être touché, au sens propre comme au sens figuré) les attire autant qu’elle les effraie, leur désir de se libérer de vieux schémas est plus fort. Touch Me Not s’attache à comprendre comment on peut atteindre l’intimité de manière totalement inattendue et comment aimer l’autre sans se perdre soi-même.

 

Touch Me Not
Roumanie, 2018
De Adina Pintilie

Sortie : 31/10/2018

Note : 

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Touch Me Not, c’est un peu du déjà vu. On connait déjà ce cinéma d’Europe centrale aux images crues, cette manière de montrer la sexualité sous le prisme d’un réalisme glacé, ces mises en abime conceptuelles de cinéastes présents aussi bien derrière la camera qu’aux coté des personnages. Enfin, ça, c’est ce qu’on se dit au début du film. Parce qu’une fois celui-ci terminé, il faut bien admettre qu’on s’est fait complètement bluffer: Touch Me Not, c’est du jamais vu. Du jamais entendu. On croit voir venir de loin la réalisatrice, avec sa façon naïve et convenue d’interviewer ses acteurs face caméra. C’est au contraire nous qui sommes bien naïfs. Ce (et ceux) qu’Adina Pintilie (lire notre entretien) a à nous montrer, difficile de l’anticiper, ou de ne pas en être secoué.

« A vingt ans, je croyais tout connaître de ce qu’il y avait à savoir sur le sexe et l’intimité » explique la réalisatrice, qui fait pourtant ici table rase de ses (et nos) certitudes. « Je ne crois pas à la frontière entre fiction et documentaire » ajoute-t-elle. Difficile de savoir ce qui relève ici de l’un ou de l’autre. La galerie de personnages qu’elle interroge à l’écran sont pour certains incarnés par des acteurs professionnels (la charismatique Laura Benson, vue chez Chéreau, ou encore l’Islandais Tomas Lemarquis), tandis que certains viennent juste parler de leur propre expérience, comme par exemple un escort australien (lauréat du Sex Worker Award en 2015!), une escort transsexuelle philosophe ou encore un jeune lourdement handicapé. Tous vont exprimer leur rapport à leur corps, à leur sexualité, à leur besoin d’intimité.

Comment filmer l’intimité ? Comment la créer à l’écran sans artificialité ? Ce n’est pas un mince défi que se lance la jeune cinéaste pour son premier film. Ni clairement doc ni clairement fiction, Touch Me Not est un espace de réflexion. Celle-ci passe par la parole et l’action: quand le long métrage menace de devenir un peu bavard, les entretiens laissent justement la place à des scènes impressionnantes de coaching physique, de lâcher prise à la tension contagieuse. Ces scènes où les personnes/personnages interagissent entre eux (comprendre, sans l’intervention de la réalisatrice) sont les plus imprévisibles et puissantes du film. « Je n’ai pas peur d’être moi-même », dit l’un d’entre eux. Cette audace et cette simplicité nous laissent presque pantois.

Tantôt agaçant et captivant, Touch Me Not provoque, mais au meilleur sens du terme. Il provoque la stupeur, la gêne aussi parfois, mais dans le but de provoquer l’émotion. Pas seulement la réflexion. La subversion de la démarche d’Adina Pintilie ne réside pas que dans le casting iconoclaste qu’elle a réuni, ni dans les images crues qu’elle peut nous montrer. On la retrouve surtout dans sa manière de réimaginer un rapport à son propre corps, et les limites de ce dernier. L’intimité, nous dit le film, c’est justement l’art de savoir repousser ses limites, d’abattre les murs intérieurs. A ce niveau-là, Touch Me Not casse carrément des briques.


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par Gregory Coutaut

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