Critique : Sollers Point

Sollers Point, Baltimore. Aujourd’hui. Après une absence forcée, Keith, 24 ans, retourne habiter chez son père, il retrouve Sollers Point, son quartier de Baltimore de plus en plus marqué par le chômage, la violence et la ségrégation. Il y retrouve aussi ses démons.

Sollers Point
États-Unis, 2017
De Matthew Porterfield

Sortie : 29/08/2018

Note : 

GOOD MORNING BALTIMORE

Un jeune héros écorché vif, une Amérique décrépite, une galerie de personnages hauts en couleurs : les ingrédients de Sollers Point rappellent des archétypes d’un certain cinéma indé américain bien connu et cerné, ce qui donne le sentiment d’avoir vu le film avant même qu’il ne débute. Il ne faut pas aller si vite avec le nouveau film de Matthew Porterfield qui, à ces figures classiques, apporte ce qui fait la différence : un regard et une sensibilité.

Keith, le jeune héros de Sollers Point (interprété par McCaul Lombardi, remarqué récemment dans American Honey ou Patti Cake$), semble échappé d’un boys band avec son corps sculpté et ses yeux émeraude. Il sort en fait surtout de prison et cherche à se réinsérer dans la société. Mais comment se réinsère t-on dans un coin à l’abandon de Baltimore ? Matthew Porterfield dresse un constat social à la fois fataliste et riche d’humanité. Le film se distingue par une collection de portraits attachants – les différentes personnes que Keith croise ou à qui il rend visite aujourd’hui ou demain. Il y a ici un vrai talent dans la façon de croquer tel ou tel portrait et de faire exister des personnages secondaires parfois en l’espace de quelques répliques. On peine dans certains films à trouver 3 adjectifs pouvant décrire le personnages principal ; ici, tout le monde, de l’apprenti rappeur à la prostituée vieillissante, a l’air vivant en quelques instants.

C’est un sens du casting, c’est aussi un sens de l’écriture. Porterfield n’explique pas trop, laisse des zones d’ombre et c’est très bien comme ça. On en sait suffisamment, on imagine et on ressent. Ce genre de chronique sociale peut parfois avoir une trajectoire prévisible de circuit de voitures électriques. Ici, l’attention portée aux personnages et l’honnêteté du traitement, à l’image du dénouement qui évite autant la complaisance du pathos que celle du happy end à la confiture, font de cet instantané une réussite subtile et touchante.

 

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par Nicolas Bardot

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