Critique : Holiday

La jeune Sascha découvre, alors qu’elle passe ses vacances sur la Riviera turque à Bodrum auprès de son compagnon mafieux, que sa vie rêvée de luxe, d’insouciance et de plaisir a un prix.

Holiday
Danemark, 2018
De Isabella Eklöf

Sortie : –

Note : 

IT WOULD BE, IT WOULD BE SO NICE

Holiday, premier long métrage réalisé par la Suédoise Isabella Eklöf (lire notre entretien), s’ouvre par une scène de danse et la danseuse en question semble maîtresse de chacun de ses mouvements. Mais qui mène la danse dans Holiday ? Le film raconte les vacances estivales d’une jeune femme qui semble sortie de nulle part – littéralement : elle déambule dans un aéroport vide et on ne sait rien d’elle. Sascha est là pour s’amuser et le décor de la Riviera turque s’y prête parfaitement, des baudruches de l’aquaparc aux spotlights du club du coin.

Holiday est rempli de couleurs chaleureuses, le beau bleu de la piscine et la lumière aveuglante du soleil ; la mise en scène de Eklöf, qui parfois évoque Ulrich Seidl, joue pourtant sur la froideur et la mise à distance. Et comme Seidl, Eklöf stimule le point de vue du spectateur sur ce qu’il regarde. L’héroïne de Holiday semble d’abord facile à juger : une oie blanche passive et écervelée. Mais ce personnage fait preuve d’une telle innocence qu’elle paraît sortie d’une fable. A t-elle seulement le choix ? Sascha est confrontée à divers abus et violences de la part des hommes qui l’entourent. Et pourtant elle avance, se sert de ce qu’elle veut en encaissant les coups – et l’héroïne d’abord facile à cerner devient beaucoup plus imprévisible et complexe.

Bien souvent, lorsque Sascha parle, personne ne la regarde. Le personnage est traité avec une condescendance terrible, abandonnée avec les enfants lorsque les adultes autour d’elle ont à faire. Et pourtant là encore la réalisatrice n’enferme jamais son personnage, qui passe régulièrement de sujet à objet… puis à nouveau de sujet à objet. Ce va-et-vient ambigu crée une intéressante hésitation, de la même manière que la cinéaste détourne les attentes (aussi mâles que réconfortantes) du rape-and-revenge. Car il ne faut pas se tromper, comme on l’a dit, sur les charmes du décor et du soleil : Holiday n’est pas là pour être confortable et poser de rassurantes étiquettes comme autant de réponses à toute chose. « Call it love, call it whatever you want », comme on le chante ici. Les mots manquent parfois en effet – et c’est une qualité – pour décrire ce qu’on croyait codé et qui privilégie une insaisissable complexité.

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par Nicolas Bardot

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